Le métier de journaliste existe-t-il encore ? Telle est la question qu'un ancien correspondant de Canal + et d'Arte me posait cette semaine. "Pas vraiment, non" fut sa réponse. Peur de déplaire à une rédaction elle-même soumise au marché de l'information, peur de perdre des lecteurs allant chercher des nouvelles sur Internet ou dans les quotidiens gratuits, peur de ne plus pouvoir conduire leurs investigations sur des sujets brûlants, peur encore de perdre leur travail, contraintes économiques obligent. Le journaliste deviendrait-il un fonctionnaire de l'information ? Probablement et le remerciement d'Alain Duhamel de France 2 et de RTL est significatif. Un journaliste peut s'exprimer, mais pas trop, il peut critiquer, mais pas trop, il peut prendre partie, mais pas trop.
Alors pouvons-nous encore rêver dans les grands médias d'un journalisme d'investigation, d'un journalisme engagé mais clairement identifié. Ce qui nuit sans doute aujourd'hui, c'est la pesante incertitude des médias sur leurs prises de position. Albert Londres écrivait que "le métier d'un journaliste n'ést pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie". Les médias l'auraient-ils oublié ?
dimanche 11 mars 2007
samedi 3 mars 2007
Ecce homo
En prenant un peu de temps et en observant les dernières cinquante années que je viens de traverser, j'ai subitement pris conscience que j'avais passé ce demi-siècle en perpétuelles crises. Je ne parle pas ici des crises personnelles, mais bien du magma brûlant et permanent qui nous a tous entouré, animé, souvent consterné et qui a conditionné notre environnement immédiat. Souvenez-vous pour ceux, qui comme moi, sont nés à la fin des années cinquante : j'entends encore mes parents me parler de la crise algérienne et me raconter les rapatriés qui reviennent en France les mains vides, une crise qui aujourd'hui, n'a toujours pas été digérée. Un peu plus tard, c'est la crise de mai 68. Mon lycée est fermé pour cause de grève, les professeurs ont déserté, nous sommes en vacances pendant un long trimestre et les grands de terminale obtiennent tous leur bac... Au même moment, la télévision en couleurs nous montre les images de la guerre du Vietnam et nous renvoie à nos propres cauchemars indochinois. 1974, crise du pétrole, la France découvre comme une mauvaise blague qu'elle n'est plus le centre du monde et qu'elle dépend de pays producteurs de pétrole insolents. Le terrorisme entre dans nos vies, brutalement, jour après jour. Munich et sa prise d'otages, des avions explosés sur des tarmacs, des bombes aveugles. Les guerres deviennent médiatiques : chacun découvre ce qu'il ne voulait pas voir, chacun est renvoyé à sa propre perception de la planète. Les fractures s'accroissent, les misères se creusent. Les ventres gonflés par la sous-nutrition côtoient le luxe et les défilés de monde. Les Français comprennent que le travail n'est plus une valeur sûre, que le chômage augmente et que le monde de l'entreprise est un monde sans pitié. Aux crises sociales succèdent les crises de confiance. La gauche arrive au pouvoir en 1981 et l'espoir sombre peu à peu dans la crise politique. Défiance du politique, défiance des politiques... La terre tourne toujours mais pas à la même vitesse pour tout le monde. L'Afrique ne décolle pas malgré des perfusions financières constantes. Dans les années 80, au Liban, Beyrouth sombre sous les bombes, en Afghanistan, Kaboul s'enfonce dans ses ruines. Le monde se balkanise. L'ex-Yougoslavie explose. Les prix flambent en France et les attentats se multiplient à Paris. Chacun son incendie. Les modèles de société à la française ronronnent. Crise boursière, crise du moral, crises sociales à répétition... Personne ne sait plus par quel bout conjuguer efficacité, performance économique et réalisation de soi. Chacun veut gagner plus tout en travaillant moins. Les Français ne s'aiment plus. Une lueur en 1989, la chute du mur de Berlin et la réunification de l'Allemagne vite effacée par les guerres du Moyen-Orient, l'Irak une première fois, déjà, et Israël toujours. Chacun s'aperçoit que tout est lié : une crise là-bas, et c'est le quotidien qui change. Crise toujours. L'école et l'université résistent à toutes modifications de comportement et de culture. Les étudiants descendent dans les rues, manifestent mais nous avons oublié pourquoi. L'avantage acquis est érigé en principe de fonctionnement. L'Europe piétine, l'Afghanistan est étranglé par les intégristes Talibans, la Chine se réveille et nous ne devenons plus du tout concurrentiels. On appelle cela la mondialisation, favorisée autant par la toile immense d'internet que par la surmédiatisation des faits divers. Tout le monde veut tout savoir et tout de suite. L'exigence d'information devient une vertu. Mais pour quoi faire ? Mauvaise question. Pour avoir le sentiment d'être dans le monde ? Dans ce monde là ? Crise identitaire des nations. Nous allons jusqu'à renier nos racines au nom du consensus mou. Crise européenne. Qu'allons nous laisser à nos enfants ? Crise de la Sécu, crise des retraites, crise de l'emploi toujours, crise du logement, crise des matières premières, crise politique avec ses cohabitations ubuesques et pour couronner le tout, la terre qui fond ! Et comme un point d'orgue qui nous signifie qu'un monde ancien est mort, le 11 septembre, hallucinant, obsédant. La terreur s'empare de nous tous. Seconde guerre en Irak avec son cortège d'attentats quotidiens qui ne nous intéresse plus au moment de la soupe du 20h00. Une prise de conscience enfin ? Pas certain.
Des élections présidentielles bientôt en France. La fin des crises ou le début de nouvelles ? Je ne suis pas optimiste, on l'aura compris. Les crises se succèdent comme des répliques telluriques. Sans fin. Est-ce une fatalité ? On pourrait le croire. La crise, quelle que soit sa forme et sa nature, semble appartenir à l'espèce humaine. Velléités de pouvoirs, avidité, jalousie, rivalité, absence d'empathie : la crise se décline sous toutes ces formes. Jusqu'à la prochaine qui a déjà commencé, là, sous nos yeux, et que nous ne voyons pas encore.
Et l'homme dans tout cela ? Disparu ? Muet ? On ne sait plus.
Des élections présidentielles bientôt en France. La fin des crises ou le début de nouvelles ? Je ne suis pas optimiste, on l'aura compris. Les crises se succèdent comme des répliques telluriques. Sans fin. Est-ce une fatalité ? On pourrait le croire. La crise, quelle que soit sa forme et sa nature, semble appartenir à l'espèce humaine. Velléités de pouvoirs, avidité, jalousie, rivalité, absence d'empathie : la crise se décline sous toutes ces formes. Jusqu'à la prochaine qui a déjà commencé, là, sous nos yeux, et que nous ne voyons pas encore.
Et l'homme dans tout cela ? Disparu ? Muet ? On ne sait plus.
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