vendredi 25 mai 2007

Le Pentagone a-t-il raison de faire taire ses soldats-blogueurs ?

En réponse à la question de RSF : Le Pentagone a-t-il raison de faire taire ses soldats-blogueurs ? http://www.leblogmedias.com

En opérations extérieures, la liberté d'expression est limitée au seul usage personnel. Des consignes sont données aux soldats afin de limiter les informations relatives au théâtre des opérations mais il n'y a aucune interdiction et le courrier n'est pas ouvert (comme pendant le Première guerre mondiale par exemple). Dès qu'il s'agit de raconter les conditions de vie, les installations militaires, les opérations qui sont conduites, les décisions prises, les objectifs recherchés, tout ce qui peut enfreindre la sécurité des opérations, les militaires, en France, tombent sous les contraintes du devoir de réserve. La difficulté aujourd'hui pour les autorités militaires (américaines ou françaises) est de pouvoir "contrôler" ce qui se prend en photo ou vidéo lors d'opérations (même si la qualité est mauvaise comme avec un téléphone mobile). L'apparition du numérique permet aujourd'hui à un combattant de transmettre en quelques minutes des prises de vue. La transmission est instantanée et quasiment incontrôlable et, outre effectivement, la saturation des réseaux, la protection des informations tactiques et stratégiques est en jeu. Cette liberté technologique permet ainsi de mettre en ligne dès le retour au camp de base, des photos de charniers, l'organisation du campement, des portraits de responsables locaux, et autres dérives de comportements comme en Irak (prison d'Abou Grahib), en Côte d'Ivoire (tournantes avec des filles locales) ou en Afghanistan (soldats allemands posant devant des crânes). Une caméra vidéo fixée sur le fut d'une mitrailleuse est également un bon moyen de saisir sur le vif le passage en force de barrages érigés par des rebelles ou des forces loyalistes...
La difficulté ainsi posée au commandement est que ce type d'informations transmises via un blog par exemple, pose à l'évidence la question de la sécurité de tous. Il serait naïf de croire que le net n'est pas observé par les mouvements terroristes ou d'opposition. Toutes informations recueillies est ainsi une aubaine. La veille du web est une pratique largement généralisée.
Il faut donc savoir ce que l'on veut : ou assurer la sécurité de l'ensemble des forces ou libérer totalement les moyens de communication au risque d'en subir les conséquences directes : chantages, enlèvements, attentats. Seules, la protection des transmissions (cryptage) et une discipline stricte des forces engagées peuvent limiter les dérives de l'utilisation d'internet. Alors oui, le Pentagone a le droit de faire taire les soldats blogeurs.
N'oublions pas enfin que certains médias (TF1, der Spiegel par exemple) sont friands de témoignages aussi réalistes : ça coute moins cher que d'envoyer un journaliste et ça fait plus vrai... Quant aux images, chacun sait que l'on peut leur faire dire ce que l'on veut...